Émissions de carbone : la diversité de genre au sein des conseils d’administration impacte-t-elle le niveau des émissions des entreprises ?
Une nouvelle étude démontre que l'augmentation de la représentation des femmes au sein des conseils d'administration – suite aux réformes de genre qui ont eu lieu dans de nombreux pays – a conduit à une baisse significative des émissions de carbone liées aux activités des entreprises.
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Comme souligné lors de la conférence COP 29 à Bakou (Azerbaïdjan), le changement climatique, principalement causé par les émissions de carbone, continue de représenter une menace majeure pour la stabilité économique mondiale et le bien-être social. Il est évident que de nombreux acteurs, y compris les entreprises, les banques, les gouvernements et les consommateurs, ont un rôle à jouer dans la transition vers une économie à faible émission de carbone.
Les recherches précédentes ont déjà mis en évidence le fait que les réformes de genre et les lignes directrices introduites dans différents pays ont conduit à une plus grande représentation des femmes dans les conseils d’administration, ce qui a un impact direct sur les activités socialement responsables des entreprises.
Dans cette étude*, les professeurs Barroso, Duan, Guo et Kowalewski ont exploré dans quelle mesure l’augmentation de la représentation des femmes dans les conseils d’administration des entreprises impacte le niveau des émissions de carbone des entreprises.
Données provenant d’entreprises de 50 pays
L’équipe de recherche a analysé les données d’émissions d’un échantillon de près de 10 000 entreprises provenant de 50 pays pour la période de 2002 à 2019. Les mesures incluaient à la fois les émissions directes (provenant de l’utilisation de combustibles fossiles et de la consommation d’énergie achetée) et les émissions indirectes de carbone liées aux activités de la chaîne d’approvisionnement.
Ils ont d’abord analysé les changements dans la représentation des femmes dans les conseils d’administration des entreprises de ces pays, en comparant ceux qui avaient introduit des réformes de diversité de genre dans les conseils d’administration avec ceux qui ne l’avaient pas fait.
« Les résultats ont confirmé une augmentation significative du nombre de femmes dans les conseils d’administration des entreprises situées dans les pays ayant introduit des réformes de diversité de genre dans les conseils », expliquent les professeurs Barroso et Kowalewski.
L’équipe a ensuite évalué l’impact de cette augmentation de la représentation féminine sur les changements dans les émissions de carbone des entreprises.
« Nos résultats montrent que les entreprises augmentant leur nombre de femmes dans les conseils en réponse à ces réformes ont connu une réduction, tant des émissions directes que des émissions indirectes de carbone. En moyenne, chaque femme supplémentaire dans le conseil a contribué à une diminution de 4,02 % des émissions directes et de 2,61 % des émissions indirectes, mettant en évidence le rôle important de la diversité de genre dans les progrès environnementaux. »
En revanche, l’analyse a révélé que dans les pays sans réformes de diversité de genre, les entreprises ayant plus de femmes dans leurs conseils n’ont pas observé les mêmes réductions des émissions de carbone. Ces entreprises ont montré des schémas d’émissions similaires à ceux des autres entreprises de l’étude qui n’ont pas augmenté la représentation féminine dans leurs conseils.
Ces résultats mettent donc en évidence l’efficacité des actions législatives visant à promouvoir la diversité de genre dans les conseils et à favoriser la réduction des émissions de carbone.
Quel rôle joue la culture nationale ?
L’équipe a également examiné l’impact de la culture nationale, car ils ont émis l’hypothèse que cela pourrait potentiellement influencer l’efficacité des réformes des conseils d’administration et les perceptions de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Ils ont constaté que les réductions des émissions de carbone étaient particulièrement amplifiées dans les pays reconnus comme des sociétés collectivistes (selon la définition du psychologue social Geert Hofstede). Ce sont des cultures qui privilégient les besoins du groupe par rapport aux besoins ou désirs individuels, avec des exemples incluant des économies majeures telles que le Japon, la Corée du Sud et la Chine.
Dans les cultures avec des degrés plus élevés d’individualisme, où l’autonomie personnelle et les réalisations individuelles sont très valorisées – comme aux États-Unis et au Royaume-Uni – les chercheurs ont constaté que les réductions des émissions étaient moins prononcées après une augmentation de la représentation féminine dans les conseils.
Impact de l’Accord de Paris sur le climat
Enfin, les chercheurs ont noté que l’impact de l’augmentation de la représentation féminine dans les conseils d’administration sur la réduction des émissions de carbone était particulièrement plus prononcé après la signature de l’Accord de Paris en 2015, mettant en lumière l’influence de l’insistance accrue des régulations sur les pratiques environnementales des entreprises. « Avant l’accord, les réformes se concentraient principalement sur la réduction des émissions directes », souligne l’article.
Applications pour les décideurs politiques et les entreprises
« Notre analyse transnationale montre de manière constante que de telles réformes, menant à une augmentation du nombre de femmes dans les conseils, entraînent une réduction des émissions de carbone des entreprises », soulignent les chercheurs. Ce travail contribue donc à une compréhension plus large de la manière dont les réformes de diversité de genre dans les conseils s’entrelacent avec la durabilité environnementale.
Il souligne la nécessité d’une application robuste des régulations et d’une collaboration mondiale cohérente pour réduire les émissions de carbone du point de vue politique. Dans un contexte sociétal plus large, l’engagement des entreprises en faveur de la diversité de genre et des cadres réglementaires efficaces sont essentiels pour lutter contre le changement climatique et promouvoir le développement durable.
« Du point de vue des investisseurs, ces résultats sont également cruciaux pour naviguer au milieu des risques environnementaux croissants », expliquent les professeurs BARROSO et KOWALEWSKI. « Cela signifie qu’à mesure que les entreprises accueillent davantage de femmes dans leurs conseils, elles sont probablement mieux positionnées pour relever les défis environnementaux. Pour les investisseurs, cela peut signaler un engagement en faveur de la durabilité et potentiellement un risque à long terme réduit, ce qui rend ces entreprises plus attrayantes pour les investissements responsables. »
*”Board gender diversity reform and corporate carbon emissions” (Journal of Corporate Finance, 2024) Raúl Barroso, Tinghua Duan, Siyue (Sarina) Guo, Oskar Kowalewski.