La recherche en bref : comment nos attitudes envers les inégalités influencent le soutien à la redistribution
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À mesure que l’inégalité des revenus augmente dans de nombreux pays, les discussions sur les politiques de redistribution deviennent de plus en plus présentes. Une nouvelle étude* menée par des chercheurs de l’IÉSEG/CNRS, de l’Université de Zurich et de l’Université de Copenhague met en lumière le fait que le soutien à ces politiques est influencé non seulement par les circonstances financières personnelles, mais aussi par la manière dont les individus perçoivent l’inégalité elle-même.
Aversion à l’inégalité et prédiction du soutien du public
Selon l’ONU, plus de 70 % de la population mondiale vit dans des pays où l’inégalité a augmenté. Depuis 1990, l’inégalité des revenus a augmenté dans la plupart des pays développés et dans certains pays à revenu intermédiaire, y compris la Chine et l’Inde.
Contrairement aux théories économiques traditionnelles qui suggèrent que les gens ne tiennent compte que de leurs propres revenus lorsqu’ils évaluent la redistribution, cette nouvelle étude met en évidence l’importance de l’aversion des individus pour l’inégalité. En tenant compte de cette aversion, les chercheurs peuvent mieux prédire quelles personnes sont plus susceptibles de soutenir des politiques visant à réduire les disparités de revenus.
L’étude identifie deux formes d’aversion à l’inégalité : l’« inégalité défavorable », où les individus ressentent de la rancœur à l’idée d’être moins bien lotis que les autres, et l’« inégalité favorable », où ils n’aiment pas l’existence de personnes plus pauvres. Cette aversion varie d’une personne à l’autre, influençant leur soutien politique à la redistribution des revenus de manière complexe.
Une expérience avec 9 000 adultes danois
En analysant près de 9 000 participants danois âgés de 20 à 64 ans, les chercheurs ont évalué l’aversion à l’inégalité des individus par le biais d’expériences comportementales et ont mis en relation ces résultats avec leur soutien à la redistribution des revenus par l’État (par exemple, des politiques telles que les changements dans les régimes fiscaux) et leurs dons réels aux associations caritatives.
« Les résultats montrent que ceux qui s’opposent fortement aux deux formes d’inégalité sont plus susceptibles de soutenir la redistribution politique des revenus », explique Thomas EPPER, chercheur à l’IÉSEG / CNRS. « Cependant, ce qui est intéressant, c’est que nous avons également trouvé que les attitudes envers les dons charitables diffèrent. Ceux qui s’opposent fermement à l’inégalité favorable ont tendance à être plus généreux lorsqu’ils font des dons, tandis que ceux qui n’aiment pas l’inégalité défavorable sont moins susceptibles de contribuer aux œuvres de charité. »
Dans l’ensemble, cette recherche renforce l’idée que les sentiments des individus envers l’inégalité façonnent de manière significative leurs comportements économiques et politiques, mettant en lumière la complexité des soutiens aux politiques de redistribution.
« Nous pensons que cette recherche peut être très utile pour les décideurs politiques et ceux impliqués dans les débats nationaux, comme en France et dans d’autres pays européens. Elle les aidera à mieux comprendre comment prédire les chances d’obtenir le soutien aux politiques visant à corriger ou à lutter contre l’inégalité des revenus. »
Les chercheurs prévoient maintenant d’étudier plus en profondeur les déterminants de l’aversion à l’inégalité, car les facteurs qui influencent ces préférences, leur origine et leur répartition dans la population restent encore insuffisamment étudiés.
Lire l’article complet ici : https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2401445121
*Thomas F. Epper, Ernst Fehr, Claus Thustrup Kreiner, Søren Leth-Petersen, Isabel Skak Olufsen et Peer Ebbesen Skov: Inequality aversion predicts support for public and private redistribution, Proceedings of the National Academy of Sciences (2024).