Passer à l’échelle des marchés de masse : Quelle est la prochaine étape pour les marques durables ?
Le développement durable "transforme radicalement les consommateurs, le marketing, les organisations et les communautés", expliquent Laurie Ann UNDERWOOD (IÉSEG) et Lydia PRICE (CEIBS) dans un chapitre d'un nouveau *livre blanc de l'ESG publié par la China Europe International Business School (CEIBS). Les auteurs constatent que la consommation durable augmente de manière significative et pensent qu'une "échelle de marché de masse" pourrait éventuellement être atteinte, mais préviennent que de sérieux obstacles doivent d'abord être surmontés. Ces obstacles sont notamment les suivants : les moteurs économiques qui laissent les consommateurs dans une situation financière précaire et le greenwashing qui rend les consommateurs sceptiques et désabusés. Pour aider les responsables des marques à relever ces défis, les experts décrivent les principales tendances à suivre et partagent des stratégies éprouvées pour renforcer la demande des consommateurs pour des marques durables.
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Le consommateur en mutation
Les professeurs UNDERWOOD et PRICE affirment qu’il existe de nombreuses preuves récentes de l’augmentation de la demande des consommateurs pour des produits durables. 78 % des personnes interrogées dans le cadre d’une enquête Kantar (2022) menée auprès de 30 000 consommateurs dans 32 pays ont déclaré vouloir acheter des produits respectueux de l’environnement. L’une des questions est de savoir si les consommateurs sont prêts et en mesure de payer des prix plus élevés pour de tels produits et, par conséquent, l’écart entre l’intention et l’achat.
Les auteurs font état de données encourageantes qui montrent que les jeunes générations (notamment les générations Y et Z) sont prêtes à dépenser davantage pour des produits durables. Cependant, ils soulignent également qu’il est crucial pour les marques de faire preuve d’authenticité et d’offrir des preuves tangibles de progrès en termes de durabilité, car la génération Z, notamment, peut se montrer plus sceptique à l’égard des affirmations relatives à la durabilité.
Les experts expliquent également comment certains types de recherche (psychologie, sociologie et comportement) peuvent aider les spécialistes du marketing à mieux comprendre et à élaborer des messages efficaces sur le développement durable pour leurs produits.
L’évolution du rôle du marketing – vers des conversations authentiques
Les communications marketing ont évolué, passant de la vente traditionnelle « push » à la vente personnalisée « pull », puis, plus récemment, aux « conversations authentiques sur des thèmes d’intérêt commun avec les consommateurs ».
« À une époque où les individus et les groupes sociaux peuvent s’approprier les images et les symboles des marques à leurs propres fins, il est essentiel pour les responsables de co-créer du sens avec leurs publics cibles », notent les auteurs. « L’objectif de la marque, les valeurs de la marque et les activités sociales et de développement durable fournissent un contenu riche pour trouver un terrain d’entente et alimenter des conversations interactives.
Ils abordent le concept de mise à profit des communautés, un concept présenté par McKinsey comme l’une des grandes idées de la décennie, et notent que les campagnes les plus crédibles et les plus authentiques se gardent d’affirmer de manière vide qu’elles améliorent le monde, et suscitent au contraire délibérément des discussions qui montrent la personnalité d’une marque, sa proposition de valeur ou d’autres caractéristiques qui la distinguent.
Les experts soulignent également l’importance d’aligner le développement durable et le marketing, car seules les actions qui démontrent une adéquation avec les valeurs, les caractéristiques et/ou les priorités stratégiques de la marque « méritent l’attention et les efforts du marketing ».
L’organisation en mutation
« Nous l’avons entendu à maintes reprises de la part des dirigeants et des institutions mondiales : cette décennie est celle de la concrétisation des promesses et des aspirations en matière de développement durable », notent les auteurs, qui ajoutent que « la voix du marché s’ajoute désormais à celle des groupes de réflexion, des régulateurs et des activistes ».
Les deux experts soulignent que les citoyens attendent désormais des entreprises et des marques qu’elles prennent position sur des questions sociales et environnementales importantes et que les consommateurs veulent des informations transparentes et crédibles sur la manière dont leurs marques préférées « joignent le geste à la parole ».
Ils estiment que, bien qu’une série d’actions soient possibles, la recherche a montré que les entreprises qui parviennent à monétiser leurs efforts en matière sociale et de durabilité ont tendance à concentrer leur temps et leurs ressources sur quelques questions importantes pour la marque et pour le monde (Gatzer et Magnin 2021).
La communauté en mutation – résolution collective des problèmes et partage des connaissances
Non seulement les marques s’engagent désormais avec des communautés d’acheteurs, mais « elles forgent également de nouvelles alliances sectorielles et des structures de soutien pour partager les difficultés et les avantages liés à la maîtrise des nouvelles réalités du marché ». Les experts notent deux tendances importantes pour les entreprises : la création d’écosystèmes de résolution de problèmes au niveau du système et le partage en libre accès d’outils, de cadres et de manuels de bonnes pratiques.
Soulignant qu’aucune entreprise ou marque ne peut résoudre seule les défis complexes d’aujourd’hui en matière de durabilité, ils expliquent que les « collectifs multi-acteurs » commencent à faire des progrès. Ils citent l’exemple de l’application Too Good To Go (https://toogoodtogo.ca). Cette plateforme relie les consommateurs aux entreprises produisant des déchets alimentaires (restaurants, épiceries) pour « s’assurer que la bonne nourriture soit consommée ».
Les années 2020 sont marquées par une augmentation du niveau de collaboration et de partage des ressources entre les organisations qui travaillent dans le même secteur. » Confrontés à la réalité des écarts sociaux et environnementaux qui constituent une menace pour tous les acteurs des principales industries et, qui plus est, au fait que le temps pour combler ces écarts est dangereusement court, les pionniers et les précurseurs partagent généreusement des guides, des boîtes à outils et leurs connaissances par le biais de conférences, de séminaires en ligne et de publications. » Ils citent à cet égard l’exemple de l’association industrielle Sustainable Brands.
* Scaling Up to Sustainable Mass Markets » par Laurie Ann UNDERWOOD (IESEG) et Lydia PRICE (CEIBS), un chapitre du livre blanc ESG (Environmental, Social and Governance) de CEIBS 2023, disponible ici