Marketing sur les réseaux sociaux : à chaque produit son influenceur…

Date

05/01/2020

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5 min

influenceur réseaux sociaux

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Aujourd’hui, les consommateurs sont moins enclins à faire confiance aux messages des marques et rejettent les tentatives de manipulation.

Dès lors, au sein des réseaux sociaux, qui se veulent des espaces privés, non commerciaux, les utilisateurs ont tendance à ne pas vouloir que les marques s’introduisent avec des discours de vente. L’usage croissant des « ad blockers », estimé à 30 % en France en 2019, illustre bien ce fait.

Les consommateurs se fient davantage aux recommandations d’autres consommateurs et prescripteurs auxquels ils peuvent s’identifier.

À la recherche de sources d’inspiration variées et de repères crédibles dans ce qui pourrait leur plaire, ils se tournent plus particulièrement vers les influenceurs. Les influenceurs sont des nouveaux leaders d’opinion (aussi appelés KOL : Key Opinion Leader), qui détrônent souvent les ambassadeurs de marques, jugés moins authentiques et motivés uniquement par leur rémunération, les journalistes perçus comme moins proches de leur quotidien, ou encore les experts de la marque qui font moins rêver.

Les influenceurs sont au départ des « consommateurs comme les autres », mais ils se distinguent par un style propre à eux, un goût affiné, une certaine créativité, un mode de prise de parole personnalisée, une passion ou une certaine expertise dans un domaine de prédilection qui donne du poids à leurs opinions. Ils développent une certaine « aura » et ainsi une capacité à attirer rapidement de larges audiences grâce au développement des médias sociaux. Leur audience apprécie un discours personnalisé et authentique. Ce qu’ils achètent, ce qu’ils portent, où ils voyagent, où ils sortent intriguent et inspirent les followers.

Un marketing proche du placement de produit

Fort de leur crédibilité, les influenceurs attirent aussi les marques qui souhaitent tirer profit de leur attractivité pour parler à leur audience.

Les marques peuvent organiser un évènement où les influenceurs sont invités et encouragés ensuite à poster sur leurs plates-formes des commentaires sur leur participation et sur la marque sponsor. C’est notamment ce qu’avait organisé Yves Saint Laurent Beauté à l’occasion du dernier festival américain Coachella.

Pour éviter le rejet d’un discours trop commercial, les marques utilisent souvent avec les influenceurs une stratégie organique d’insertion dans un contenu pré-existant. Elles insèrent ainsi des messages (publicitaires) dans le contenu diffusé sur les plates-formes des influenceurs, avec une démarche proche du placement de produit.

Le message introduit dans le contenu de l’influenceur peut être créé par la marque ou par l’influenceur, ou conjointement, à l’image de la beauty squad de L’Oréal Paris avec des YouTubeuses à succès. En effet, le degré de contrôle sur le contenu proposé sur la marque peut varier, en laissant soit une grande liberté à l’influenceur, soit en imposant un message délivré par la marque.

Pour choisir le bon influenceur avec lequel collaborer, les marques doivent alors définir leur critère de choix et leur mode de collaboration.

Nous proposons la catégorie de produits comme étant un élément important dans la prise de décision. En effet, selon que la marque concerne des produits spécialisés, de commodité ou d’achat réfléchi, le rôle et le type d’influenceur concerné doivent être adaptés.

Des stratégies à adapter

Selon la catégorie de produits concernée, les objectifs de communication ne sont pas les mêmes car les mécanismes de persuasion diffèrent. En particulier, on peut distinguer trois catégories de produits : les produits de commodité, les produits d’achat réfléchi, et les produits spécialisés.

Le processus d’achat, qui varie donc selon la catégorie de produits, nécessite donc une adaptation de la stratégie de communication s’appliquant au marketing d’influence. En effet, nous avons pu repérer dans la pratique des exemples différenciés d’objectifs de communication selon les produits.

Des agences comme Webedia, spécialisées dans le marketing d’influence, font ainsi déjà appel à trois types d’utilisation des influenceurs selon l’objectif de communication de la marque : les nano-influenceurs (moins de 5 000 followers) pour la recommandation produit ; les micro-influenceurs (moins de 100 000 followers) pour la crédibilité du message ; et les macro-influenceurs (plus de 100 000 followers) pour incarner la marque.

Pour les produits de commodité, pour lesquels l’objectif de communication prioritaire est de faire aimer et préférer sa marque auprès d’une large cible, un influenceur très en vue qui a beaucoup de followers peut emporter l’adhésion.

Ainsi, le spécialiste des boissons Oasis utilise un macro-influenceur pour incarner la marque, Maskey, qui compte plus d’1,5 million de followers sur YouTube.

Pour les produits d’achat réfléchi, pour lesquels l’objectif est de faire connaître la marque et de convaincre que le produit est adapté au besoin de chaque client/utilisateur, une recommandation par des personnes qui sont considérées comme proches de soi et avec des habitudes similaires, est essentielle.

La marque de produits laitiers Vrai a sollicité 774 membres de la plate-forme Sampleo, et a proposé des échantillons gratuits en échange de commentaires des utilisateurs ayant testé le produit (ce sont là des nano-influenceurs), pour le lancement d’un nouveau produit. Ces derniers ont noté avec 98 % d’avis positifs 2 % d’avis négatifs.

Enfin, pour les produits spécialisés, l’objectif de communication est transmettre une parole d’expert, qui puisse guider et inspirer afin de donner envie d’adopter le produit.

Evaneos, spécialiste du voyage sur-mesure, collabore ainsi avec des micro-influenceurs experts qui partagent leur expérience. Le voyagiste a par exemple cocréé une web-série avec la blogueuse Madame Oreille qui fait partager le quotidien de deux familles, en Indonésie, avec sa fille.

Accompagner les influenceurs

La stratégie d’accompagnement de la marque, pour être efficace, doit respecter cette correspondance entre le type de produit et le profil de l’influenceur. Une attention particulière doit être portée à l’accompagnement de l’influenceur dans sa communication pour qu’il soutienne bien la stratégie. Par exemple, pour les produits spécialisés, il est essentiel que la marque encourage l’expert passionné, reconnu et légitime sur le domaine, à proposer des idées, partager les détails de son expérience et ajouter ses propres connaissances du sujet.

Dans le cas d’un produit plus expérientiel, comme les voyages ou la gastronomie, il semble aussi important d’aider l’influenceur à traduire en mots et images ses émotions et ressentis et à comprendre ce qui va capter l’intérêt de son audience en termes de mise en scène et de « story telling ». Cela peut nécessiter un accompagnement spécifique, avec des supports à la création de belles images ou de montages vidéo par exemple, tout en laissant une part de créativité personnelle.

Pour un produit de commodité, la marque pourra mettre des moyens techniques permettant à l’influenceur d’avoir une démarche de théâtralisation, avec des rendus d’images parfaites et une scénographie qui donnera envie de partager largement la communication.

Par ailleurs, selon le profil et l’objectif de communication, il est primordial que la marque trouve le bon équilibre entre un certain contrôle sur le discours de marque et une certaine liberté pour que l’influenceur puisse imprimer son style, dans l’incarnation, l’usage quotidien ou le regard d’expert. Il s’agit de laisser certaines libertés tout en guidant sur les thèmes à aborder selon l’audience et l’objectif de communication et en donnant des supports pour comprendre un produit ou une expérience (par exemple en donnant à l’influenceur une grille pour évaluer toutes les caractéristiques techniques d’un produit ou sensorielles d’une expérience).

Les marketers prennent alors un rôle d’éducation des influenceurs : ils doivent les aider à construire leur expertise et donc leur crédibilité, ils en sont d’autant plus percutants, influents et l’image en devient plus valorisante pour chacun.

Une optimisation des moyens

En synthèse nous proposons donc trois stratégies de marketing d’influence qui mettent en correspondance la catégorie de produits, l’objectif de communication, le type d’influenceurs ainsi que la stratégie d’accompagnement, ci-dessous présentées :

À l’heure où il est estimé que les entreprises dépensent 21 % de leur budget de communication dans des dispositifs de marketing d’influence et que mesurer et améliorer le retour sur investissement est cité comme le défi n°1, le besoin de mieux structurer sa stratégie de marketing d’influence paraît essentiel.

Ainsi notre proposition de structurer son approche autour du triptyque produit/influenceur/objectif de communication devrait aider les marketers dans leur recherche d’efficacité et d’optimisation des moyens marketing.


Pierrine Griffiths & Gwarlann De Kerviler, IÉSEG School of Management

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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