Les vendeurs B2B et la santé mentale : ce que les entreprises doivent savoir et faire

Les commerciaux sont, comme tous les salariés, exposés à des risques de dégradation de santé mentale. Pour y remédier, il est essentiel de revoir la manière de travailler et de manager ces équipes.

Date

19/02/2025

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En raison des exigences professionnelles, de l’environnement de travail et de leurs interactions avec les clients, jusqu’à 70 % des vendeurs rencontrent des problèmes de santé mentale. Le rôle des vendeurs B2B, qui réalisent des opérations commerciales avec d’autres entreprises, est souvent stressant, car il implique de faciliter la collaboration entre différents services, de naviguer dans des cycles de vente prolongés et de satisfaire les clients.

Leurs responsabilités comprennent la formulation d’une stratégie de vente et la réalisation d’objectifs de vente au sein d’une équipe compétitive. La santé mentale des vendeurs influe considérablement sur les performances de l’entreprise, ce qui donne une raison supplémentaire aux entreprises de se pencher sur ces questions.

Une pression croissante

La pandémie de Covid-19 a isolé les vendeurs de leurs collègues et de leurs clients tout en les obligeant à adopter de nouvelles technologies (liées par exemple à l’IA ou des CRM) pour atteindre les objectifs commerciaux et répondre aux attentes des clients. Les défis personnels, sociétaux (par exemple des attentes culturelles) et psychologiques peuvent également accroître leur peur de l’échec, conduisant à un stress de type « on ne peut pas se permettre de rater ».

La santé mentale des vendeurs soulève des questions pressantes. Comment les entreprises et les responsables des ventes peuvent-ils répondre et faire face à ces défis ? Quelles stratégies peuvent aider les vendeurs tout en leur permettant d’être résilients et productifs ? La reconnaissance de ces problèmes est essentielle au bien-être des vendeurs, aux performances de l’entreprise et à la satisfaction des clients.

Mieux allouer les ressources

Les entreprises devraient accorder plus d’attention aux questions relatives à la santé mentale des employés. Cela leur permettrait d’allouer des ressources pour concevoir des stratégies managériales et des politiques efficaces. Notre article récent donne un aperçu de l’état de la santé mentale dans les ventes B2B à partir de 74 articles de recherche publiés au cours des vingt dernières années. L’utilisation de l’analyse morphologique fournit une vue d’ensemble des problèmes de santé mentale chez les vendeurs B2B.

Ces problèmes de santé mentale se manifestent de diverses manières, affectant à la fois le bien-être mental (anxiété, épuisement professionnel) et les performances des vendeurs (par exemple via des comportements contraires à l’éthique ou un faible engagement professionnel).

Trois catégories de facteurs ont été identifiées qui contribuent aux problèmes de santé mentale des vendeurs. Il s’agit des enjeux ou problèmes personnels, des facteurs liés au travail et d’autres types de déclencheurs

L’impact des facteurs personnels

Les facteurs personnels comprennent les conflits ou problèmes familiaux, qui peuvent nuire à un état d’esprit positif et à la résilience en raison de l’épuisement des ressources personnelles. Les exigences personnelles liées au maintien de la santé, aux besoins financiers et à l’équilibre des relations auxquelles les vendeurs B2B ont dû faire face pendant la pandémie ont entraîné une forte incidence de l’épuisement professionnel et une baisse correspondante des performances.

Les éléments liés au travail comprennent le comportement des dirigeants, les caractéristiques spécifiques de ce poste de vendeur, les expériences professionnelles et l’adoption de la technologie. Par exemple, l’obligation de trouver un équilibre entre la satisfaction du client et la rentabilité de l’entreprise peut créer un conflit de rôles importants, conduisant à un épuisement émotionnel. Un soutien insuffisant de la part du manager peut accroître le stress et l’épuisement des vendeurs, ce qui entraîne une insatisfaction professionnelle ou même des intentions de quitter l’entreprise. Un style de leadership axé sur la compétition peut accroître l’épuisement émotionnel des vendeurs, en particulier lorsqu’ils sont confrontés à une surcharge de rôles.

Un traitement injuste

Pendant la pandémie de Covid-19, les conditions de travail à distance ont augmenté la charge de travail des vendeurs, qui se sont adaptés aux changements de comportement des clients et se sont sentis dépassés par l’utilisation excessive des technologies. Les professionnels de la vente se sentent souvent traités de manière injuste alors qu’ils pensent que leur contribution est égale à celle de leurs collègues. Ils peuvent montrer des signes de dépersonnalisation, ce qui affecte négativement les relations avec les clients et leurs coéquipiers.

En proposant des formations ciblées et des ressources (par exemple, des programmes de mentorat et des canaux de communication clairs), les entreprises peuvent renforcer les qualités d’intelligence émotionnelle des vendeurs, en les dotant des outils nécessaires pour traverser les crises avec une plus grande résilience. Si un manager remarque des signes de stress personnel chez un vendeur (par exemple, des problèmes familiaux), une conversation informelle pour évaluer la nécessité de jours de congés pourrait s’avérer bénéfique pour la personne et pour minimiser l’impact sur sa performance. L’entreprise pourrait également développer des outils numériques pour cibler l’engagement des clients, ce qui réduirait les besoins potentiels en termes de déplacement.

Un leadership solidaire

La mise en place d’un leadership ‘solidaire’, d’une définition claire des rôles et de stratégies d’adaptation peut réduire de manière significative le stress et l’épuisement professionnel. Pour aider les vendeurs à gérer plus efficacement les incertitudes, l’entreprise peut simplifier sa structure organisationnelle pour l’exécution des tâches et mettre en place des politiques qui favorisent l’autonomie professionnelle et le soutien de la hiérarchie. Les superviseurs peuvent aider leurs vendeurs à cultiver un état d’esprit positif face au stress, en les encourageant à considérer les défis comme des opportunités de croissance et de réussite grâce à des stratégies d’adaptation.

Les entreprises peuvent élaborer des plans de carrière pour les vendeurs afin d’encourager le développement personnel et l’amélioration des performances. Ce processus implique une évaluation approfondie des besoins de l’équipe de vente, la création de plans complets pour améliorer les compétences personnelles et commerciales, et la reconnaissance des résultats obtenus lorsque les objectifs sont atteints. Cette approche clarifie les attentes et renforce la perception d’équité.

Ainsi, la santé mentale des vendeurs B2B souligne la nécessité de mettre en place des stratégies proactives. Les entreprises devraient donner la priorité à un leadership positif, investir dans la formation à la résilience et simplifier les flux de travail pour réduire le stress.

Mesurer le comportement plus que les résultats

Les décideurs politiques, quant à eux, peuvent plaider en faveur de normes de santé mentale sur le lieu de travail avec l’établissement des critères de performance qui mesurent le comportement plutôt que les résultats. Les entreprises pourraient mettre en place un système d’incitation et de sanction pour limiter les comportements déviants et opportunistes.

À l’avenir, l’intégration du soutien à la santé mentale dans les politiques des entreprises devrait devenir une pratique courante. Alors que les entreprises continuent à naviguer dans les réalités postpandémiques, il est crucial de cultiver une culture où les employés se sentent en sécurité pour exprimer leurs préoccupations, car cela contribuera à leur succès à long terme. En abordant ces questions dès maintenant, les entreprises peuvent s’assurer que leur force de vente reste résiliente, productive et prête à répondre aux exigences d’un marché complexe et concurrentiel.


Chavi Chi-Yun Fletcher-Chen, Associate professor, IÉSEG School of Management et Ashwin J Baliga, Assistant Professor of Marketing & Sales, IESEG School of Management, Paris

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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Marketing & Ventes


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