Le retour d’Oasis, symbole de la nostalgie des années 1990

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11/10/2024

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Les années 1990 connaissent un grand regain d’intérêt, symbolisé par le retour du groupe Oasis après 15 ans d’absence. Une époque « doudou » pour la génération Z, que les codes de l’époque semblent rassurer.


Les frères Liam et Noel Gallagher, en conflit depuis 15 ans, ont annoncé le retour sur scène du légendaire groupe Oasis, qu’ils avaient cofondé en 1991. Le groupe le plus emblématique et influent de la vague britpop donnera quatorze concerts en Angleterre et en Irlande à l’été 2025. L’annonce a déclenché une vague d’excitation mêlée de nostalgie chez les fans de musique à travers le monde, et plus particulièrement auprès des jeunes issus de la Génération Z. Comment expliquer ce retour triomphal, y compris auprès de jeunes gens qui n’étaient même pas nés quand le groupe s’est formé ?

Oasis : un héritage culturel inoubliable

Au delà d’être un groupe, Oasis est un véritable phénomène culturel. Avec des albums emblématiques tels que Morning Glory ? ou encore Definitely Maybe, Oasis a redéfini le rock britannique des années 90, en s’inspirant du rock des années 60-70 et en valorisant une certaine vision de la culture britannique ici définit ce qu’est la britpop. Des titres comme « Wonderwall » ou « Don’t Look Back in Anger » sont devenus des hymnes intergénérationnels.

Le retour d’Oasis incarne une époque souvent idéalisée par ceux qui l’ont connue. Dans un monde en constante évolution, la musique d’Oasis offre un refuge, un rappel d’une époque où la Britpop était partout et où la musique occupait une place centrale dans la culture populaire. Les concerts de Liam Gallagher, où il reprend souvent les grands succès d’Oasis, attirent des dizaines de milliers de fans. De plus, des festivals, comme Shiiine On Weekender au Royaume-Uni ou le Mad Cool Festival en Espagne, qui célèbrent la musique britpop des années 90, attirent des artistes qui interprètent des classiques d’Oasis. Des groupes tribute comme Noasis ou Definitely Oasis font des tournées à travers le pays, jouant dans des villes comme Londres, Manchester, et Glasgow. Sur les réseaux sociaux, les groupes et les forums de fans d’Oasis sont extrêmement actifs. Leur absence a laissé un vide que beaucoup espèrent voir comblé avec leur retour.

Le retour triomphal d’Oasis est aussi le signe d’une réconciliation entre deux frères qui entretenaient une rivalité forte et la mettaient en scène en public. Au-delà d’un simple come-back musical, le retour d’Oasis s’accompagne d’un sentiment de nostalgie ressenti par la génération Z qui redécouvre les années 1990 avec un regard empreint d’espoir et un sentiment de réconfort. Pour beaucoup, les années 90 représentent une époque rassurante, et la musique d’Oasis en est le symbole.

La génération Z, une génération nostalgique

Selon le rapport publié en 2023 par GWI, expert en tendances de consommation, la génération Z, rassemblant les les personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010, est particulièrement nostalgique, avec 15 % de jeunes préférant se tourner vers le passé plutôt que vers l’avenir.

D’après une autre étude réalisée par Spotify, 68 % de la génération Z, soit près de 7 jeunes sur 10, affirment consommer des contenus médias issus des décennies passées, puisque cela leur évoque une époque où tout semblait plus simple. La mode de la réédition d’anciens jeux vidéo ; le plaisir de la trouvaille « vintage » (appareils photo jetables, téléphones à clapets…) et même le triomphe du film Barbie, qui active une corde sensible autour d’un jouet populaire, illustrent le besoin des jeunes de retourner dans leur passé et leur idéalisation – peut-être – d’un mode de vie moins connecté.

Mais la nostalgie perçue par la nouvelle génération n’est-elle pas surtout un remède pour faire face au stress de l’époque actuelle ? Face aux multicrises auxquelles le monde est confronté (crise économique, financière, environnementale, politique, sociale, morale et philosophique), le présent peur semblait angoissante.

Dans une étude publiée en 2021 par The Lancet Planet Health auprès de 10 000 jeunes de la Gen Z dans 10 pays, les résultats indiquent que 59 % des jeunes âgés de 16 à 25 ans déclarent être inquiets ou extrêmement inquiets du changement climatique. Les jeunes placent le changement climatique comme la seconde priorité la plus importante après le coût de la vie. Par ailleurs, la nouvelle génération doute de la sincérité climatique des gouvernements et des entreprises, et considère que les acteurs utiles pour réussir la transformation écologique sont, selon eux, les citoyens (60 %) plutôt que l’État (50 %), les collectivités territoriales (49 %), les entreprises (43 %) ou l’Union européenne (50 %).

Pour ces raisons, se plonger dans les cultures du passé procure un sentiment de sécurité, car contrairement à l’incertitude du présent, l’issue des événements passés est connue. La nostalgie est alors perçue par la jeune génération comme un remède efficace pour mieux faire face au stress de l’époque actuelle.

L’attrait des années 1990

Le rapport publié en 2023 par GWI a révélé que 40 % des membres de la génération Z éprouvent de la nostalgie pour les années 90, même si la plupart d’entre eux n’étaient même pas encore nés à cette époque. Beaucoup de jeunes se tournent vers la musique comme une forme d’évasion : 55 % d’entre eux révèlent écouter des morceaux de musique pour se remémorer de bons souvenirs, et 36 % pour fuir la réalité. En effet, le retour d’Oasis marque le retour vers des codes rassurants et simples, aussi bien musicalement que stylistiquement, avec des accords simples, et une musique évoquant le quotidien des classes populaires et moyennes.

Le retour d’Oasis marque surtout le retour de la britpop, ce sous-genre du rock qui a marqué l’histoire du Royaume-Uni des années 1990. La britpop est un mouvement culturel britannique qui émerge dès 1994, avec l’explosion de Blur et son album Parklife, ainsi que la sortie du premier disque d’Oasis, Definitely Maybe. Ces albums capturent l’atmosphère de l’Angleterre contemporaine, où les jeunes, souvent désœuvrés, se tournent vers l’alcool, la cigarette, les sorties et la musique. En prenant leurs distances avec le thatchérisme des années 80, la britpop s’impose comme un vent de renouveau pour la jeunesse britannique des années 90.

Dans un pays où la musique tient une place prépondérante dans la culture, la Britpop s’est étendue hors de son domaine principal en touchant la mode. D’après le magazine GQ, la garde-robe britpop se compose des vêtements de tous les jours, que l’on porte dans la rue, pour aller au pub ou voir un match de foot : un look simple, ultra viril, que l’on associerait facilement au style « casual » bien connu des jeunes Anglais et des hooligans. Le parka vert olive porté par les frères Liam et Noel Gallagher est un exemple de symbole indissociable du mouvement britpop.

Les recherches Google pour « mode des années 1990 » ont grimpé de 133 % ! La britpop, ce mouvement musical et stylistique qui s’est imposé face au grunge dans les années 1990 en Angleterre, est prête à séduire de nouveau les jeunes aujourd’hui, amateurs de mode vintage.

Sur TikTok, le hashtag #90sFashion a généré plus de 114 200 vidéos. Inspirée par les icônes de cette époque, la génération Z s’approprie le style « nineties », avec des vestes en jean oversize, des baskets et, surtout, la fameuse parka de Liam Gallagher. Ces vêtements sont un morceau d’histoire, réinventé pour une nouvelle génération de fans avides d’authenticité. Côté coiffures, les dégradés grunge reprennent du service. Avec le retour très attendu d’Oasis sur les scènes des stades britanniques, on peut s’attendre à ce que la frange masculine gagne encore en popularité.

La génération Z est-elle alors à l’origine d’une nouvelle tendance ? La « newstalgia » – (new pour nouveau + nostalgia) ou la nostalgie 2.0 – combine à la fois nostalgie et touche de modernité, et renvoyant à un sentiment ambivalent entre regret des temps passés et envie d’aller de l’avant. En termes esthétique et vestimentaire, la newstalgia consiste à ne pas seulement reproduire le passé, mais à fusionner différentes époques, en mélangeant des couches d’ancien et de contemporain. Face à un futur qui ne fait plus rêver et dans lequel il semble difficile de se projeter, la génération Z semble celle qui réécrira les codes de la consommation culturelle.


Elodie Gentina, Professor, management, marketing, IÉSEG School of Management

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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