Entrepreneuriat à impact : quelles tendances et enjeux pour les start-ups

Date

14/05/2025

Temps de lecture

6 min

Partage

Le Club Les Echos Débats Prospective, en partenariat avec Wavestone et l’IÉSEG, a récemment organisé un débat autour du thème :  « Entrepreneuriat à impact : ces start-ups qui révolutionnent le monde de l’entreprise”, avec la participation de Caroline NEYRON (Mouvement Impact France), Clémentine Granet (Cofondatrice, Les Petits Prodiges), Benjamin Constant (Directeur général Neo-Eco et NeoCem), et Nicolas GOURSOT (Cofondateur uMotion).

Mais qui sont ces start-ups à impact ? et quels enjeux et tendances pour ce secteur en France ? Jacques ANGOT, Directeur de l’Incubateur et Professor of Practice à l’IESEG, revient sur les enjeux pour ce secteur et certains éléments et questions évoqués lors du débat.

Start-ups à impact : une nouvelle génération d’entrepreneurs à la croisée du sens et de l’action

Cette nouvelle génération d’entrepreneurs ne se contentent plus de faire du bien en menant leur entreprise. Elles revendiquent autre chose : réparer, prévenir, transformer.

Émergentes, hybrides et ambitieuses, ces start-ups placent la résolution d’un problème social, environnemental ou territorial au cœur de leur modèle. Ce ne sont pas des entreprises classiques qui compenseraient leurs effets négatifs par quelques actions responsables. Ce sont des structures pour lesquelles l’impact positif est la condition d’existence du modèle économique. 

Qu’est-ce qui distingue les entreprises à mission des start-ups classiques ?

La nuance est subtile mais stratégique. Les entreprises à mission introduites dans le droit français par la Loi Pacte de 2019 peuvent avoir une finalité sociale ou environnementale inscrite dans leurs statuts tout en conservant un « business model » classique. Les start-ups à impact inscrivent la transformation sociétale dans leurs produits ou services. Elle crée de la valeur par leur impact.

Cette ambition radicale est portée par une nouvelle génération d’entrepreneurs souvent issus de formations de haut niveau, parfois reconvertis, qui refusent de choisir entre sens et succès. Ils veulent des modèles qui tiennent dans la durée et dans l’histoire qu’ils racontent à la société.

Source : Le Club Les Echos Débats

Qu’est-ce qui explique l’émergence de ce secteur ?

Crise climatique, sociale, et énergétique : les grandes fractures de notre époque ont déplacé les attentes à différents niveaux. Côté consommateurs, les comportements évoluent avec une prise de conscience de ces enjeux sociétaux. La montée en puissance de l’investissement à impact modifie également les règles du jeu pour le secteur de l’entrepreneuriat avec des dispositifs comme la French Tech 2030 ou le plan climat de BPI France. Dans ce contexte, les start-ups à impact ne sont plus marginales, elles deviennent des figures de proue d’un nouveau récit entrepreneurial.

Une dynamique française en pleine structuration – plus de 1,000 start-ups

En 2023, Bpifrance Le Hub, France Digitale et Mouvement Impact France ont publié un mapping des start up françaises à impact qui fait référence dans l’écosystème. Le résultat ? Plus de 1000 start-ups à impact identifiées, et près de 10 milliards d’euros de levée de fonds cumulées depuis leur création. Leur développement s’accélère…

Source: Le Club Les Echos Débats

Selon le mapping, 20% d’entre elles ont été créées après 2020, et nombreux secteurs sont représentés : 42% agissent pour la transition environnementale (énergie propre, décarbonisation, économie circulaire), 32% pour des enjeux sociaux comme l’inclusion, l’éducation, et la santé ; et 18% œuvrent pour la résilience territoriale ou démocratique. Près d’un tiers de ces start-ups ont un statut relevant de l’économie sociale et solidaire (ESS) et une sur deux se revendique comme entreprise à mission. Cela montre bien que l’entrepreneuriat à impact trace des ponts entre les mondes : celui des start-up tech de l’économie alternative et de l’innovation publique.

Le défi du passage à l’échelle

Mais le tableau est quelque peu contrasté, notamment lorsque on se focalise sur le changement de dimension de ces start-ups…Malgré la vitalité du secteur, seuls 7% de ces start-ups accèdent aux levées de fonds de série B contre 15% pour les start-ups classiques. Le passage à l’échelle reste ainsi un défi. L’impact en effet ne suffit pas à convaincre les investisseurs …il doit être démontré, mesuré et prouvé dans la durée.

Source: Le Club Les Echos Débats

Ce qu’un (e) entrepreneur (e) à impact doit considérer avant de se lancer

Se lancer dans l’entrepreneuriat à impact ce n’est pas seulement avoir une belle intention, c’est accepter une complexité nouvelle : celle de conjuguer désir de la transformation et exigence de viabilité. Voici 4 questions clé à se poser avant de plonger.

1.Pourquoi voulez-vous résoudre ce problème ?

L’impact ne se décrète pas, il se vit. Le moteur doit être fortement enraciné. Les meilleures start-ups à impact sont portées par des fondateurs profondément connectés au problème qu’ils tentent de résoudre : par exemple une éducatrice qui digitalise l’insertion sociale ou un ingénieur qui réinvente la chaîne logistique pour réduire l’empreinte carbone. L’alignement entre vie personnelle, valeurs et projet professionnel est un levier de résilience mais c’est aussi une boussole quand les choix deviennent complexes ( par exemple en ce qui concerne les financements).

2. Comment mesurer l’impact?

Un impact sans preuve reste un vœu pieux. La mesure de l’impact est ainsi un enjeu stratégique autant pour la crédibilité externe que pour la gestion interne.  Plusieurs outils sont aujourd’hui disponibles comme :

  • La grille Impact Score développé par le Mouvement impact France qui permet d’évaluer une entreprise selon 5 dimensions : gouvernance, modèle économique, environnement, social, territoire.
  • Le SDG Action Manager de B Lab qui relie les objectifs de développement durable aux pratiques concrètes de l’entreprise.
  • Et les outils développés par Bpifrance qui intègrent l’évaluation d’impact dans les processus de financement.

Mais au-delà des outil,  c’est l’état d’esprit qui compte : intégrer des indicateurs de mission dès le départ et les articuler avec les indicateurs clés de performance (KPI). L’impact est un des piliers du modèle.

3. Dans quelle mesure votre modèle est-il économiquement soutenable?

Une start-up à impact doit souvent faire plus avec moins… évangéliser un marché naissant, convaincre des clients non solvables, naviguer entre subventions publiques et revenus récurrents. Le piège est double : soit capter un marché en perdant l’impact de vue, soit se crisper sur la mission au détriment de la pérennité.

Les modèles hybrides (revenu plus subventions, ou B to B to C avec des partenaires financiers) sont souvent les plus pertinents. Mais ils demandent une grande exigence stratégique et une communication transparente avec les parties prenantes.

4. Quel types de financements sont adaptés à votre projet ?

Les investisseurs traditionnels cherchent encore trop souvent des modèles « scalables », à rentabilité rapide. Or l’impact demande du temps du terrain et de l’expérimentation. Néanmoins, des fonds spécialisés émergent (e.g Fifty Partners mais aussi de BPI France qui propose une gamme d’aides et adaptées). Mais surtout les logiques de financement évoluent avec une approche plus « patient capital » avec des mécanismes de partage du risque ou de financement non dilutif avec les territoires, les collectivités, les fondations, qui deviennent également des leviers clés.

Un changement de paradigme entrepreneurial ?

Longtemps l’entrepreneur était celui qui prenait des risques pour capter une opportunité. Désormais il devient aussi celui qui prend position pour transformer un système. On ne lance plus une entreprise pour disputer un marché mais pour réparer une faille dans le monde. Cela ne signifie pas que tout est à jeter dans les anciens modèles.

Mais l’entrepreneuriat à impact interroge les fondamentaux : à quoi sert l’entreprise?  quelle valeur  veut-elle vraiment créer?  pour qui et à quel prix ? Dans un monde traversé par l’incertitude la crise de sens et l’urgence climatique, ces questions ne sont plus périphériques. Elles sont centrales. Elles redessinent les contours de leadership du risque et de la réussite. Et les start-ups à impact petites par la taille mais grandes par l’intention pourraient bien en être les éclaireuses.

Un point de vigilance : et si l’impact devenait une injonction ? A force d’en parler on risque de transformer l’impact en nouvelle norme morale culpabilisante pour ceux qui n’en font pas. Or l’impact ne peut être qu’un choix assumé, aligné, et réfléchi et pas un label de conformité. Il s’agit bien moins de juger les projets que d’aider chacun à faire ses propres arbitrages éthiques économiques et personnels.

Tendance ou basculement ?

L’entrepreneuriat à impact n’est pas une tendance. C’est un basculement, un déplacement du centre de gravité de l’innovation vers des modèles où l’impact est la boussole pour les porteurs de projets. Cela suppose d’accepter la complexité d’apprendre à mesurer ce qui ne se voit pas toujours, de chercher la justesse plus que la croissance brute.


Retrouvez également le replay du Club Les Echos Débats Prospective (3 avril 2025), en partenariat avec Wavestone et l’IÉSEG du  « Entrepreneuriat à impact : ces start-ups qui révolutionnent le monde de l’entreprise”,


Catégorie(s)

Entrepreneuriat & Innovation


Contributeur

Jacques ANGOT

Jacques ANGOT

Entrepreneuriat - Coaching - Leadership

Biographie complète