Comment les sociétés à faible capitalisation communiquent de bonnes nouvelles aux investisseurs
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Capter l’attention des investisseurs est plus difficile pour les sociétés dont la capitalisation boursière est faible que pour les grosses entreprises, qui disposent de moyens de communication importants. De plus, les analystes et la presse professionnelle s’intéressent moins à ces sociétés à faible capitalisation. Donc, comme le révèle une étude récente, elles utilisent à bon escient le peu de ressources qu’elles ont, profitant de manière opportune des visioconférences, communiqués de presse et réseaux sociaux pour communiquer sur leurs bénéfices.
À partir d’un entretien avec Andrei FILIP, professeur à l’IÉSEG, au sujet de son article « Grabbing Investor Attention with Limited Resources: A Study of Small Cap Firms’ Communication Channels », co-écrit avec Romain BOULLAND, de l’ESSEC Business School, Alessandro GHIO, de l’Université Laval, et Luc PAUGAM, de HEC Paris, publié dans la revue European Accounting Review en août 2023.
Les difficultés de communication rencontrées par les sociétés à faible capitalisation
Les sociétés à faible capitalisation peuvent représenter des opportunités potentiellement lucratives pour les investisseurs, avec une possibilité de rendement du capital parfois supérieur à la moyenne, à condition qu’ils osent prendre plus de risque. Ces entreprises ont généralement plus de mal à capter l’attention des investisseurs, comme l’explique Andrei FILIP, professeur à l’IÉSEG.
« Ce ne sont pas de grandes multinationales célèbres, que tout le monde connaît, celles qui disposent de ressources illimitées pour communiquer », précise A. FILIP.
Lorsqu’une entreprise réputée doit publier un rapport d’activité, elle peut faire appel à des armées de publicitaires pour diffuser des communiqués de presse, avant d’organiser des visioconférences qui n’auront pas de mal à attirer des analystes et journalistes économiques. Elles sont aussi capables de donner un certain retentissement à ces messages sur les réseaux sociaux.
Les sociétés à faible capitalisation, quant à elles, ne peuvent pas toujours se permettre d’investir dans plusieurs canaux de communication, et doivent faire des choix, comme l’explique A. FILIP :
« Ces sociétés doivent attirer l’attention des investisseurs parce qu’elles ont moins de visibilité que les grandes entreprises qui font les gros titres des médias », rappelle-t-il. Par ailleurs, les petites entreprises n’ont pas le luxe de disposer des spécialistes des médias pour raconter leur histoire de manière percutante. Au contraire, « ce sont leurs données comptables qui sont les plus pertinentes, car elles constituent l’une des principales sources d’information sur ce qui se passe en interne. Ces données revêtent plus d’importance que dans les grandes entreprises », souligne A. FILIP.
Outre les canaux traditionnels, les sociétés à faible capitalisation se servent efficacement des réseaux sociaux pour communiquer
Dans leur étude, A. FILIP et ses collègues se sont concentrés sur les entreprises cotées sur le marché AIM (Alternative Investment Market) de la bourse de Londres, sur la période allant de 2010 à 2015. À la fin de cette période, l’AIM accueillait 1 044 PME, avec une capitalisation moyenne de 73 millions de livres sterling.
« L’AIM est l’un des plus gros marchés au monde dédié aux petites et moyennes capitalisations et offre donc un bon cadre pour analyser les stratégies de communication des entreprises dont les ressources sont limitées », écrivent les chercheurs dans leur article. En moyenne, moins d’un analyste suit les entreprises cotées sur l’AIM, mais la réputation « Far West » du marché d’échanges offre un terrain propice à l’innovation en matière de communication.
L’équipe de recherche s’est donc focalisée sur la façon dont les entreprises annoncent publiquement leurs résultats, une information qui influe souvent sur le cours des actions, car les investisseurs accordent beaucoup d’importance aux résultats.
Pour cette étude, trois questions se sont posées : Les entreprises utilisent-elles les trois canaux de communication (communiqué de presse, visioconférence, réseaux sociaux) ? (Oui, quelquefois.) Utilisent-elles tous les canaux de manière opportune ? (Oui.) Enfin, est-ce efficace ? En d’autres termes, les sociétés à faible capitalisation parviennent-elles à capter l’attention des investisseurs ? (Oui.)
L’étude a ainsi montré que pour publier leurs résultats, ces sociétés ont recours aux visioconférences, communiqués de presse et publications sur les réseaux sociaux, mais de manière limitée et occasionnelle. Sur la période de 2010 à 2015, les sociétés à faible capitalisation ont organisé une visioconférence 10,1 % du temps pour promouvoir la publication de leurs résultats et diffusé des communiqués de presse au préalable 13,9 % du temps. En comparaison, elles ont posté un tweet pour attirer l’attention 4,7 % du temps.
Pourquoi les sociétés à faible capitalisation utilisent-elles les réseaux sociaux ?
L’étude indique que les sociétés à faible capitalisation mettent les réseaux sociaux à profit. Pour celles qui regardent le plus à la dépense, il s’agit d’un moyen de communication gratuit. « Avec l’apparition de plateformes comme Twitter, Facebook…, les choses ont changé, parce que les entreprises peuvent communiquer à moindre coût avec les investisseurs », explique A. FILIP, qui étudie la façon dont ces nouvelles plateformes influencent les échanges entre les entreprises et les investisseurs.
Par ailleurs, il semblerait qu’un tweet ou une publication efficace sur une autre plateforme puisse avoir un impact considérable.
« Nous observons que les entreprises qui se servent des réseaux sociaux font l’objet d’un plus grand nombre de requêtes sur Google », indique A. FILIP. « Les gens recherchent davantage le nom de l’entreprise, s’intéressent à son activité. Donc je pense que ça marche, c’est-à-dire que les sociétés à faible capitalisation réussissent à attirer l’attention des investisseurs. » Pour ces entreprises, qui ne peuvent pas toujours se permettre d’embaucher un ou une spécialiste des relations avec les investisseurs pour échanger avec eux, c’est un moyen d’obtenir des résultats à moindre coût.
Applications pratiques
Les entreprises peuvent s’intéresser à l’impact des différents canaux de communication et prendre ces informations en compte afin d’optimiser leur stratégie de communication avec les investisseurs.
Méthodologie :
L’équipe de recherche a étudié 1 044 sociétés à faible capitalisation cotées sur le marché AIM de la bourse de Londres sur la période de 2010 à 2015. Elle a ensuite recueilli des données sur les visioconférences en utilisant Refinitiv Eikon, un service d’information commerciale, et les sites Internet des entreprises. Puis, RavenPack, une base de données regroupant les articles publiés dans les journaux et réseaux d’information lui a fourni les communiqués de presse sur cette même période. Enfin, elle a dressé manuellement la liste des comptes Twitter de toutes les sociétés incluses dans l’étude puis extrait l’ensemble de l’activité de ces sociétés sur Twitter.