Comment les entreprises peuvent lever les obstacles à la progression des femmes dans le monde du travail

Partage
Malgré les efforts annoncés, et plus ou moins suivis d’effets, les femmes continuent de moins bien progresser que les hommes au travail. Pour expliquer ce phénomène, un facteur souvent négligé mérite d’être pris en compte : quels sont les critères de performances mobilisés au travail ? Ne correspondent-ils pas à une vision plus masculine que féminine de la réussite ?
Les femmes continuent d’être désavantagées sur le lieu de travail. Ce phénomène est souvent appelé le « plafond de verre ». Cependant, la notion de plafond ne rend pas justice au problème car elle sous-entend que les femmes ne rencontreraient des difficultés qu’à la dernière étape de leur carrière, par exemple pour accéder au poste de vice-présidente ou de PDG.
En réalité, les femmes rencontrent des obstacles à l’avancement à tous les moments de leur carrière. Cela entraîne des conséquences sociétales considérables, car ces différences au travail se traduisent par un écart de rémunération entre les sexes et une position défavorisée dans la société.
L’un des facteurs critiques à l’origine de ces problèmes tient à la manière dont les organisations évaluent leurs employés et décident qui promouvoir. Dans la plupart des entreprises, ce processus est de fait défavorable aux femmes pour diverses raisons. Des recherches très récentes que nous avons menées mettent en lumière la manière dont nous pouvons surmonter ces obstacles.
Quelles évaluations ?
Pour comprendre ce problème, il faut étudier quels types d’employés sont évalués de manière positive, étudier à quoi ressemble un collaborateur apprécié, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. Les réponses à ces questions sont importantes, car une personne de valeur a plus de chances d’être promue qu’une autre.
Premièrement, des travaux récents montrent que les hommes ne considèrent pas autant que les femmes le caractère d’une personne (des traits comme la responsabilité, la collaboration, le dynamisme et l’humanité) comme un élément important de leur réussite potentielle en tant que leader. Cela signifie que si les femmes font preuve de caractère, elles ont peu de chances d’en tirer profit, car les hommes n’accordent pas d’importance à ces traits de caractère. C’est d’autant plus problématique pour elles que les « évaluateurs » sont des hommes.
Deuxièmement, les femmes pourraient essayer de s’appuyer davantage sur des caractéristiques ou comportements que les entreprises (et les hommes) valorisent de manière stéréotypée : par exemple, en montrant leur intérêt pour la croissance de l’entreprise, en prenant des initiatives, en faisant preuve d’optimisme, mais aussi d’opportunisme en considérant tout comme une chance d’amélioration.
Un salaire moindre pour les mêmes profils féminins
Dans cette étude récemment publiée, cependant, nous avons constaté que les femmes ne tiraient pas profit de ce type de comportement. Les femmes présentant les caractéristiques ci-dessus ont été comparées à des homologues masculins présentant des profils similaires du point de vue de l’évaluation. Ainsi, les responsables qui ont participé à cette étude évaluaient la vidéo d’un candidat ou d’une candidate à un poste, puis indiquaient le salaire qu’ils lui offriraient. La candidate s’est vu offrir systématiquement un salaire inférieur à celui de son homologue masculin à compétences identiques.
Enfin, de nombreuses organisations tentent aujourd’hui d’identifier leurs collaborateurs (ou collaboratrices) « stars », c’est-à-dire ceux et celles qui « possèdent des qualités rares et recherchées grâce auxquelles ils peuvent produire des résultats exceptionnels ».
Star, un métier d’hommes ?
Le problème de cette pratique vient du fait que les gens ont tendance à associer les caractéristiques de « la » star aux employés de sexe masculin. En d’autres termes, lorsque nous pensons « star », c’est automatiquement un « homme » qui nous vient à l’esprit. Ces résultats expliquent pourquoi il y a moins de femmes. Une fois identifiés, ces talents se voient offrir davantage d’occasions de briller. Ainsi, la prédiction selon laquelle une personne deviendra une star se réalise…
Actuellement, nous assistons à une tendance paradoxale des organisations à faire marche arrière en matière d’initiative en faveur de la diversité afin d’être perçues comme plus justes. Dans ces entreprises, les dirigeants estiment que le poste doit être attribué, d’abord, à la personne la plus qualifiée, ce que ne garantirait pas à leurs yeux une promotion favorisant l’une ou l’autre forme de diversité. Toujours, selon ces critiques, les politiques de diversité privilégieraient davantage l’appartenance à une catégorie. Cela résulte directement du fait que des entreprises utilisent les initiatives en faveur de la diversité pour gérer leur image, sans les soutenir par des actions concrètes ou sans quantifier leur « retour sur investissement ».
Par exemple, les entreprises se lancent souvent dans des « tentatives » telles que l’établissement de quotas d’embauche pour les femmes afin d’améliorer leur représentation au sein de l’entreprise, mais cela n’est pas suivi de mesures de développement des talents ou de changements de politique, ce qui entraîne une diminution de la représentation des femmes aux postes de direction.
La falaise de verre
Un autre exemple est le recrutement de femmes à des « postes précaires de direction » afin d’obtenir des données positives rapidement. Ce comportement est appelé le phénomène de la « falaise de verre ». Cette attitude des entreprises et de leurs directions renforce les préjugés contre les performances des femmes managers et exacerbe les obstacles existants à leur évolution de carrière.
Alors, que peuvent faire les entreprises pour créer des programmes de gestion des performances plus inclusifs en matière de genre ?
L’origine de ce type de problèmes est un stéréotype, une croyance biaisée que les gens peuvent avoir sur ce à quoi ressemblent une bonne ou excellente collaboratrice et un bon ou excellent collaborateur. Or, si les stéréotypes sont le résultat d’apprentissages, cela suggère que nous pourrions être capables de les désapprendre.
Une prise de conscience nécessaire
Tout d’abord, les organisations pourraient au minimum enseigner à leurs managers à prendre conscience de leurs préjugés lorsqu’ils évaluent les performances de leurs employées. Dans ce cas, une formation à la diversité visant à réduire les stéréotypes et à accroître la prise de conscience des préjugés peut être particulièrement utile. Cependant, une telle formation peut avoir des effets négatifs, notamment des réactions négatives de la part des participants. Les organisations doivent être attentives à la manière dont ces programmes sont conçus et dont leur impact est communiqué à toutes les parties prenantes.
Les entreprises peuvent renforcer l’adhésion à ces initiatives en fournissant des preuves claires et quantifiables du retour sur investissement (ROI) telles qu’une plus grande implication, conservation et attraction des employés. Enfin, les entreprises doivent positionner la formation à la diversité en termes d’avantages pour tous les employés, améliorant leur conscience de soi et leurs capacités de direction, plutôt que de la cibler sur des groupes spécifiques.
Des réussites féminines
Par ailleurs, à tous les niveaux de l’entreprise, les organisations peuvent présenter des modèles féminins en mettant en avant des femmes qui ont réussi et promouvoir leurs contributions significatives à l’entreprise. Par le biais d’événements et newsletters, les entreprises ont la possibilité de mettre en lumière les réalisations des employées et, avec le temps, cela conduirait à la dilution des préjugés sur le potentiel de performance des femmes. En fait, les organisations peuvent également utiliser ces exemples pour remettre en question les idées reçues sur les « stars » de la performance et repousser les limites de ce qui est généralement valorisé, au lieu de renforcer les stéréotypes masculins sur la performance.
Enfin, les organisations devraient utiliser des systèmes de gestion des performances dont les indicateurs clés de performance ne sont pas uniquement basés sur les résultats (augmentation du taux de pénétration du marché ou objectifs de croissance atteints), mais incluent également des aspects relationnels et sociaux tels que le développement et le mentorat d’autres collègues, l’inspiration à la coopération et la création d’un esprit d’équipe positif].
Promouvoir des critètes de performance plus inclusifs
Ces qualités sont essentielles pour un leadership efficace, mais souvent négligées dans la catégorisation des personnes très performantes. En développant des critères de performance plus inclusifs, les organisations peuvent introduire plus d’équité dans leurs mesures de performance tout en générant plus d’avantages à long terme pour l’organisation.
Enfin, la création de réseaux informels solides par le biais de programmes de mentorat peut aider les femmes à naviguer efficacement dans les hiérarchies de pouvoir et les structures d’influence des organisations. Ces réseaux constituent une source importante de ressources et de possibilités d’avancement et de croissance dans les organisations.
La dynamique informelle du pouvoir dans les organisations joue un rôle énorme dans le choix des personnes qui se font remarquer et qui se voient offrir des opportunités intéressantes. Les femmes ont généralement des réseaux professionnels moins diversifiés et en tirent moins d’avantages que les hommes, ce qui peut avoir un impact négatif sur la perception de leurs performances et leur potentiel de progression de carrière.
Melvyn R.W. Hamstra, Professor in Leadership and Organizational Behavior, IÉSEG School of Management et Gouri Mohan, Organizational Behavior; Leadership; Diversity, IÉSEG School of Management
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.