IA dans la vente : plus efficace, mais moins humaine ?
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Selon Gartner, l’intelligence artificielle (IA) devrait remplir 60 % des tâches de vente d’ici à 2028. Cependant, les forces de vente ont encore du mal à discerner comment l’IA améliorera leurs décisions et leurs pratiques. Pour le moment, les commerciaux disposent de diverses applications numériques basées sur l’IA répondant à des usages spécifiques. Par exemple, il existe des outils d’IA pour recueillir des informations sur les prospects. D’autres permettent de créer une liste de contacts qui peut ensuite être utilisée dans le cadre de campagne de sensibilisation par courriel. Des outils comme Lavender aident à rédiger des courriels et lorsqu’ils sont associés à des logiciels comme Crystal, ils peuvent même adapter le ton du courriel au type de personnalité du prospect ciblé.
Pourtant, leur utilisation quotidienne auprès de la force de vente reste limitée. Cela est notamment dû à la difficulté à choisir des bons outils complémentaires au processus de vente de l’entreprise.
Dans notre dernier article, publié dans une revue universitaire de référence, consacrée à la vente, Journal of Personal Selling and Sales Management, nous avons interrogé 18 managers et professionnels de la vente à travers des entretiens qualitatifs et étudié les réflexions d’experts du monde entier sur l’utilisation de l’IA dans la vente. Puis nous avons élaboré un guide pratique pour comprendre comment l’IA peut être utilisée à chaque étape du processus de vente. Cela nous a permis d’identifier les opportunités et les défis que l’IA représente pour les commerciaux, les responsables des ventes, l’organisation commerciale et même le client.
Retour sur le cœur de métier ?
C’est dans la phase de prospection commerciale et de recherche d’informations sur les clients que l’IA est le plus rapidement mise à profit. L’IA optimise la génération de « leads » en construisant des profils de clients à prospecter personnalisés et basés sur une variété de données. Une fois les profils identifiés, l’IA pourra qualifier ces « leads » grâce à l’analyse prédictive et identifier la probabilité d’achat de chaque profil, permettant ainsi un travail collaboratif avec les commerciaux. Un exemple concret est le service de Gong qui note et évalue les prospects. Cette utilisation de l’IA contribue à limiter la subjectivité du commercial en se concentrant sur des données factuelles.
Une fois les clients potentiels qualifiés, l’IA générative peut produire un courriel personnalisé pour répondre au plus près aux besoins clients et augmenter les chances d’obtenir un rendez-vous commercial. Cela a un impact direct sur les fonctions commerciales. Cette étape d’avant-vente est régulièrement réalisée par des commerciaux moins expérimentés. Certaines entreprises ont même décidé de restructurer leur force de vente en une force de vente de terrain et une force de vente sédentaire, cette dernière étant souvent destinée à la recherche des prospects. Avec l’émergence de l’IA, ces activités de recherche d’information occuperont de moins en moins de temps dans l’agenda d’un commercial.
Collecte de données facilitée
À cela s’ajoutent les stratégies de marketing numérique et de réseaux sociaux qui jouent un rôle essentiel dans l’acquisition de nouveaux clients dans des contextes interentreprises (BtoB). L’IA générative permet de rédiger des articles de blog ou des publications sur les réseaux sociaux, assurant ainsi aux commerciaux une présence constante auprès de leurs cibles.
L’IA permet non seulement de collecter des données clients en amont, mais aussi d’aider les commerciaux lors des négociations. Certains outils basés sur l’IA jouent le rôle d’assistant, analysant les paroles du prospect en temps réel, voire même – c’est la promesse des concepteurs – ses sentiments et ses émotions. Par exemple, la promesse d’un outil comme Showpad est de fournir un retour d’information en temps réel sur la communication verbale et non verbale des commerciaux. Ces outils d’analyse conversationnelle peuvent ensuite être utilisés pour améliorer les compétences des commerciaux eux-mêmes et aider leur manager qui n’a pas toujours le temps de coacher les commerciaux.
Grâce à une meilleure compréhension du prospect et de ses besoins, l’IA offre au commercial
- des conseils en temps réel sur la manière de répondre aux objections ;
- des propositions quant aux produits complémentaires à proposer ;
- des suggestions de la valeur ajoutée à offrir au client ;
- une optimisation de l’offre de prix par une tarification dynamique.
Une meilleure utilisation des CRM
Avec la nécessité de maintenir des relations de long terme, les logiciels de gestion de la relation client (CRM) se développent rapidement en France et dans le monde. Dans les années 2010, une grande partie du rejet de ces logiciels par le personnel de vente était due au travail supplémentaire qu’impliquait la saisie manuelle des informations. Cependant, l’IA pallie cette difficulté. L’outil Modjo propose par exemple de résumer et de transférer automatiquement les informations d’un entretien de vente dans le logiciel de gestion de la relation client.
Après l’échange commercial, l’IA peut transcrire la conversation et automatiser l’envoi d’un courriel de suivi commercial basé sur la conversation avec le client. Cela permet notamment aux commerciaux de s’auto-évaluer et d’améliorer leurs performances futures.
Défis éthiques
Si l’IA permet à la fois d’automatiser les tâches répétitives et d’accroître les activités de vente, elle soulève également des questions éthiques. L’IA s’accompagne d’une transparence des données, tant pour les commerciaux que pour les clients. Le commercial, mieux informé, optimise l’identification et les besoins du client et adapte la solution, ce qui est bénéfique pour le client. Le client, quant à lui, a accès à des informations plus précises sur l’offre, mais aussi sur la concurrence. Cependant, l’IA générative soulève des questions de confidentialité des données et peut générer un sentiment de vulnérabilité chez les clients qui ne savent pas comment ces données sont utilisées.
L’IA en opérant les tâches répétitives force les commerciaux à se focaliser sur des tâches plus complexes. Cela demande de nouvelles compétences commerciales comme la capacité à analyser des données mais accentue également l’importance des compétences propres à l’humain tels que l’empathie, ou l’intelligence émotionnelle. De plus, la quantité d’informations diffusées par l’IA au commercial doit être limitée au strict nécessaire, afin d’éviter de créer une surcharge d’informations qui serait contre-productive pour le commercial.
Enfin, la perception de l’IA par le client va déterminer son utilisation par le commercial. L’IA est déjà suffisamment puissante pour présenter une offre commerciale, développer une solution personnalisée et répondre aux questions des clients. Cependant, la relation acheteur-vendeur reste primordiale. L’approche humaine est perçue comme plus authentique et permet de générer plus de confiance.
Laurianne Schmitt, Enseignante-chercheuse en vente, IÉSEG School of Management et Deva Rangarajan, Professeur de marketing, IÉSEG School of Management
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.