Pourquoi certains managers privilégient-ils l’action plutôt que le statu quo ?

Date

10/04/2024

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Les managers sont constamment confrontés à des choix entre agir et ne rien faire, s’engager dans l’action, le changement ou simplement maintenir le statu quo. Alors que certains prennent des décisions sans trop se poser de questions, d’autres consacrent plus de temps et d’efforts à la réflexion. Une nouvelle étude menée par Melvyn HAMSTRA de l’IÉSEG a analysé l’impact des traits comportementaux instinctifs sur la manière dont les managers prennent des décisions.

Les décisions impliquent du temps et des ressources

La prise de décision est l’une des activités principales de tout manager. Responsables de leurs choix, les managers cherchent généralement à faire en sorte de ne pas prendre de mauvaises décisions. Néanmoins, ces choix impliquent du temps, des délibérations, des ressources et, selon le professeur HAMSTRA, sont influencés par les expériences personnelles des managers (ce qu’il appelle les préjugés fondés sur l’histoire).

Il a mené une expérience impliquant plus de 150 managers pour étudier ce phénomène de manière plus approfondie. Il s’est appuyé sur la « théorie des focus régulateurs » (Regulatory Focus Theory), une théorie psychologique développée aux États-Unis qui souligne que les motivations humaines sont guidées par deux dispositions spécifiques : la recherche d’accomplissements et de progrès par l’action (connue sous le nom de focalisation sur la promotion) ou, au contraire, l’objectif de maintenir la stabilité et la sécurité (focalisation sur la prévention).

Le professeur HAMSTRA a examiné l’impact de ces comportements sur la manière dont les managers examinent les informations pour prendre des décisions dans des situations incertaines.

Des décisions basées sur l’intuition ?

Imaginons, par exemple, qu’un responsable puisse modifier un processus ou un système important pour son service, mais qu’il ne soit pas sûr de savoir comment ou si ce changement améliorerait réellement les performances opérationnelles.

« Comment prend-il une décision ? En se basant sur son intuition ou en cherchant à obtenir davantage d’informations pour ne pas avoir de regrets par la suite ? », explique le professeur HAMSTRA.

On a souvent supposé que les cadres optaient plus facilement pour le statu quo afin d’éviter les erreurs ou les fautes, car agir implique de s’écarter de ce qui est considéré comme la norme. Cependant, pour certains managers, il est plus intuitif de choisir l’action plutôt que l’inaction, explique l’expert, même s’il y a des risques ou des preuves que l’inaction est la meilleure option. Ces traits de comportement sont souvent établis pendant l’enfance, explique-t-il, et peuvent résulter de la manière dont nous sommes récompensés ou punis pour différentes actions ou pour notre inaction.

Scénario d’entreprise fictif

Lors de cette expérimentation, le chercheur a utilisé un questionnaire pour mesurer les tendances comportementales des managers. Ces derniers ont ensuite été confrontés à un scénario fictif de décision commerciale dans lequel ils devaient choisir entre agir ou maintenir le statu quo. L’expérience a montré aux managers que l’une des deux options était meilleure que l’autre.

« J’ai voulu tester ce qui se passerait lorsque le conseil irait à l’encontre des préjugés personnels du manager. Par exemple, comment les cadres ayant une préférence pour l’action (promotion) réagiraient-ils lorsque les preuves suggéreraient qu’ils ne devraient rien faire ? »

L’étude a montré que les managers délibèrent davantage et recueillent plus d’informations lorsque cela va à l’encontre de leur intuition personnelle. 

« Les cadres ayant une tendance à la prévention ont demandé plus d’examens et d’informations lorsqu’on leur a conseillé de passer à l’action. En revanche, ceux qui privilégient l’action ruminent davantage lorsqu’on leur conseille de ne rien faire », explique-t-il.

Des applications potentielles à explorer

Ce travail met en évidence le fait qu’il peut donc être utile pour les managers de comprendre et de reconnaître leurs propres penchants en termes d’action et d’inaction.

Il est alors possible d’explorer des pistes pour adapter la prise de décision au niveau de l’individu ou de l’organisation. « Un manager ou une organisation peut vouloir examiner les moyens d’accélérer ou de ralentir le processus de prise de décision ».

Par exemple, les managers ayant une tendance à la prévention peuvent souhaiter, dans certaines circonstances, faciliter la prise d’une décision rapide lorsqu’un changement ou une action sont proposés. Cela pourrait être le cas dans certains environnements professionnels où la rapidité et la prise de risque sont essentielles.

Au niveau personnel, le chercheur indique que les managers peuvent s’appuyer sur des expériences passées où ils ont agi de manière contre-intuitive, tandis qu’au niveau organisationnel, il indique que les entreprises peuvent réfléchir aux normes qu’elles véhiculent ou aux comportements qu’elles modèlent, car ceux-ci sont susceptibles de rendre certains choix plus ordinaires et, par conséquent, d’influencer les possibilités que les managers se sentent en droit de choisir.

Article: How much information to consider when choosing action to change? The impact of managers’ promotion versus prevention focus (Journal of Managerial Psychology, 2024) Melvyn R.W. Hamstra (IÉSEG School of Management, UMR 9221 – LEM – Lille Économie Management, Lille, France).


Catégorie(s)

Management & Société


Contributeur

Melvyn HAMSTRA

Melvyn HAMSTRA

Management des personnes et des organisations

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