Des salariés plus impliqués et plus épanouis grâce à un allègement de la charge de travail
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Les salariés sont de plus en plus nombreux à vouloir trouver le juste équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Pour retenir leurs talents, les entreprises doivent donc répondre à ce besoin. L’un des moyens d’y parvenir consiste à alléger la charge de travail. Elise Marescaux nous explique en quoi ce type d’aménagement peut profiter à la fois aux salariés et aux employeurs.
À partir d’un entretien avec Elise Marescaux, professeure, au sujet de son article « Exploring the effects of reduced load work arrangements (RLWAs): The role of individual autonomy and workplace level justice perceptions », co-écrit avec Aykut Berber, Mine Afacan Findikli, Yasin Rofcanin, Farooq Mughal et Juani Swart, professeurs, et publié dans European Management Journal, le 28 avril 2022.
La grande démission est loin d’être terminée. Une étude récente menée par PWC montre qu’à l’échelle mondiale, 20 % des travailleurs avaient l’intention de quitter leur emploi en 2022. Comment endiguer ce phénomène ? Les salariés tentés d’emprunter la porte de sortie pointent souvent un manque d’épanouissement professionnel, marqué par un déséquilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle. Différentes approchent visent à rétablir cet équilibre, comme le télétravail ou les horaires flexibles.
L’allègement de la charge de travail : caractéristiques
Elise Marescaux et ses collègues ont étudié le rôle de l’allègement de la charge de travail, un mode de fonctionnement flexible et intéressant mais sous-exploité. Il s’agit un accord conclu entre le salarié et son employeur, permettant au salarié d’effectuer moins d’heures et d’alléger d’autant sa charge de travail. Le salaire, voire les avantages sociaux, seront réduits en conséquence. Ce type d’allègement est généralement négocié de manière informelle entre le salarié et son supérieur hiérarchique. L’objectif principal est de contribuer à ce que les salariés progressent dans leur carrière tout en évitant les conflits avec d’autres pans de leur vie.
Ce type d’allègement est courant dans le monde entier, et au Royaume-Uni, pays étudié ici, 35 % des salariés y ont recours : depuis 2014, les travailleurs britanniques sont légalement en droit de demander des options de travail flexibles.
Dans un contexte où les salariés ont des demandes de plus en plus personnelles en matière de RH, « ils n’hésitent pas à dire ce qu’ils veulent et ce dont ils ont besoin pour s’épanouir, survivre et s’engager », indique Elise Marescaux. Les entreprises doivent donc impérativement comprendre les besoins de leurs talents, notamment en matière d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, au risque de les voir fuir.
Les avantages de l’allègement de la charge de travail
Grâce à une analyse statistique des données de l’enquête nationale britannique Work Employment Relations Survey (WERS), Elise Marescaux et ses collègues ont mis en évidence trois principaux avantages de l’allègement de la charge de travail. Premièrement, les personnes qui en bénéficient se disent plus heureuses au travail.
Comme l’explique E. Marescaux, « c’est positif pour les salariés, car ils apprécient davantage leur travail et s’y sentent épanouis, mais aussi pour l’entreprise, qui voit ses performances s’améliorer ».
Le deuxième avantage identifié par les chercheurs est l’engagement affectif, c’est-à-dire l’attachement émotionnel du collaborateur envers l’entreprise. En effet, des études ont démontré que plus l’engagement affectif des salariés est fort, plus la productivité, la loyauté et l’image de l’entreprise s’améliorent. Le salarié, quant à lui, se sent plus engagé et attaché à l’entreprise, plus épanoui au travail et adopte une attitude plus positive vis-à-vis de l’entreprise.
Enfin, le troisième avantage est la diminution des conflits entre la vie privée et la vie professionnelle.
Ces avantages résultent principalement d’un plus grand sentiment de contrôle et/ou d’autonomie de la part des salariés concernés. Les chercheurs ont constaté qu’ils ont le sentiment de participer à la définition de leur emploi, d’où une implication et une satisfaction professionnelle accrues. Cet effet est plus prononcé dans les entreprises où l’équité dans la mise en œuvre des procédures et des pratiques laisse à désirer.
Communiquer pour faciliter l’allègement de la charge de travail
En dépit de ces avantages, les managers doivent être conscients que ce type d’aménagement ne convient pas à tout le monde. Pour certains, des horaires de travail flexibles ou condensés seront préférables, en particulier si une baisse de salaire n’est pas envisageable. Le dialogue est essentiel pour comprendre ce qui convient le mieux à chaque collaborateur. Les managers doivent aider les salariés en leur expliquant les différentes possibilités, en particulier lorsque les pratiques restent informelles.
Une communication efficace entre les cadres et le service des RH est indispensable, surtout si les RH ne connaissent pas les besoins des salariés. C’est ensemble qu’ils pourront proposer des accords ou mettre au point de nouvelles politiques au service des besoins de l’entreprise. Or rien de tout cela ne peut se faire sans une ligne de communication très forte.
Des interrogations subsistent quant aux répercussions des allègements de la charge de travail sur les membres de l’équipe qui n’en jouissent pas. « Ce type d’aménagement peut s’avérer contre-productif si l’allègement de la charge de travail d’une seule personne se traduit par une augmentation de celle de tous les autres. Il devient alors source de frustration et de ressentiment », souligne E. Marescaux.
Il faut donc bien réfléchir à la meilleure façon d’alléger la charge de travail, par exemple en procédant à un recrutement pour combler le déficit, ou bien en impliquant le reste de l’équipe dans la décision, pour éviter ces problèmes.
Applications
Les chercheurs conseillent aux entreprises d’envisager des allègements de la charge de travail pour augmenter la satisfaction et l’engagement des salariés tout en évitant les conflits entre leur vie privée et leur vie professionnelle. Pour ce faire, une bonne communication est nécessaire à la fois entre les collaborateurs et les responsables et entre les cadres et le service des RH afin que les besoins de chaque partie soient bien compris.
Méthodologie
Les auteurs ont entrepris une analyse statistique des données issues de l’enquête nationale britannique Work Employment Relations Survey (WERS) de 2011, en utilisant les informations relatives aux personnes bénéficiant d’un allègement de leur charge de travail. Ces données ont été mises en parallèle avec leurs réponses sur la satisfaction au travail, l’engagement affectif, les conflits entre vie privée et vie professionnelle et l’autonomie au travail.