Management : 4 choses que les managers devraient garder à l’esprit avant d’accorder des avantages ou traitements de faveur aux membres de leur équipe
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Elise Marescaux, Professeur en Gestion de ressources humaines à l’IÉSEG, a récemment réalisé de nouvelles recherches portant sur les réactions de collègues aux avantages individuels au travail (i-deals) que des employés peuvent négocier avec leur manager.
Son article, intitulé Co-worker reactions to i-deals through the lens of social comparison: The role of fairness and emotions* (co-écrit avec Sophie De Winne et Yasin Rofcanin) a été publié en ligne (novembre 2019) dans le journal Human Relations. Elle nous explique les résultats de cette recherche, les éventuelles conséquences de tels accords, et donne quatre conseils pratiques pour les managers à garder à l’esprit avant d’accorder des « i-deals ».
Que sont les i-deals exactement et pourquoi avez-vous décidé de faire des recherches sur ce sujet ?
Les i-deals sont des avantages individuels ou des traitements de faveur que des employés peuvent négocier avec leur responsable. Ils prennent de nombreuses formes. Par exemple, l’accès à une formation spécifique, une prime exceptionnelle ou une augmentation salariale, ou encore plus de flexibilité en terme d’horaires ou de lieu de travail, leur permettant d’assumer des tâches plus exigeantes ou des missions qui répondent plus à leurs préférences.
Habituellement, les employés négocient cela avec leur responsable parce qu’ils ont le sentiment d’avoir un besoin spécifique qui n’est pas satisfait et / ou en tant que récompense de leur contribution à l’entreprise. Du point de vue du bénéficiaire, les i-deals ont le potentiel d’apporter de nombreux avantages aux entreprises, telles que la motivation accrue, la fidélisation, ou l’engagement et la performance. Or, dans cette étude, nous nous sommes intéressés spécifiquement aux éventuels effets secondaires pour les employés qui ne les reçoivent pas et qui voient quelqu’un dans leur équipe négocier un i-deal. Autrement dit, nous avons pris le point de vue de collègues dans la négociation d’i-deals.
Ce sujet n’a pas encore été assez étudié (dans le cadre de la recherche), car nous savons très peu de choses sur la façon dont les collègues réagissent quand ils voient quelqu’un recevoir ce type d’accord ou avantage sur leur lieu de travail.
Quels ont été les résultats principaux de l’article ?
Dans notre article, nous rassemblons différentes perspectives théoriques pour présenter un certain nombre d’arguments clés.
Nous croyons que les réactions des collègues, qu’elles soient positives ou négatives, peuvent être rapportées à un processus de comparaison sociale. Lorsqu’un employé reçoit un i-deal, les collègues sont susceptibles de comparer leur propre situation avec celle du bénéficiaire, d’évaluer si leur propre situation est (dé)favorable (comparée à celle du bénéficiaire). Cela soulève des questions d’équité, de sorte que les collègues évalueront si leur situation (qu’elle soit favorable ou défavorable) est équitable.
En fonction de la réponse, les collègues éprouveront certaines émotions et – ensuite- réagiront d’une certaine manière.
Imaginez une situation dans laquelle un collègue se sent désavantagé à cause d’un tel accord, tout en croyant que cela est mérité, car le bénéficiaire de l’accord de l’i-deal a travaillé dur pour obtenir cet avantage. Dans ce cas, le collègue pourrait se sentir envieux mais de manière « bénigne ». Il/elle se sentira motivé(e) afin d’obtenir un avantage ou accord similaire. Cela crée une situation gagnant-gagnant, car le bénéficiaire et le collègue réagiront positivement.
En revanche, si le collègue croit que l’i-deal n’a pas été obtenu de façon équitable et qu’il n’existe pas de raison légitime pour cela, il/elle pourra ressentir de la rancœur envers le bénéficiaire. Cela résultera éventuellement dans des comportements contre-productifs, tels que la réduction de l’effort au travail ou même des comportements antisociaux. Dans notre article, nous expliquons les innombrables façons dont les collègues peuvent réagir, positivement ou négativement, et ce qui motivent ces réactions.
Quelles sont les implications / applications pour les managers en entreprise / organisation ?
Lorsqu’un manager est approché par un(e) employé(e) parce qu’il / elle veut négocier un avantage individuel spécifique, il y a de nombreux facteurs qui devraient être considérés avant de dire oui ou non. J’aimerais en souligner quatre ci-dessous :
(1) Y-a-t-il une raison légitime à l’origine de la demande, par exemple un besoin unique que personne d’autre n’a ou une performance exceptionnelle qui justifierait la réception d’une récompense unique ? Si cela est le cas, il sera beaucoup plus facile d’obtenir l’acceptation et les réactions positives des collègues.
(2) Quelle est votre relation avec les membres de votre équipe ? Si vous avez des liens sociaux forts avec vos employés, caractérisés par la confiance et le soutien mutuels, les i-deals seront plus faciles à présenter et plus susceptibles d’être reçus par d’autres collègues.
(3) Quelle est la relation entre l’employé(e) qui demande l’i-deal et les autres membres de l’équipe ? Encore une fois, s’il existe des liens sociaux forts entre cet employé et les autres, un i-deal est plus facile à présenter à et plus susceptibles d’être reçu par les collègues.
(4) Enfin, quel genre d’employés avez-vous dans votre équipe ? Les collègues avec un esprit « pro-social », ce qui implique qu’ils sont fortement concentrés sur le bien-être des autres et font preuve de sollicitude à l’égard des autres, sont plus susceptibles d’accepter ces i-deals, surtout quand ils répondent à un besoin spécifique. En revanche, les collègues avec un esprit « pro-soi », qui sont plus concentrés sur leur propre bien-être et situation, sont plus susceptibles à réagir de façon négative, particulièrement quand ceci les met dans une situation défavorable.
*Les réactions de collègues aux « i-deals » par rapport à la comparaison sociale : le rôle de l’équité et des émotions
“Co-worker reactions to i-deals through the lens of social comparison: The role of fairness and emotions, Human Relations 2019” Elise Marescaux (IÉSEG School of Management), Sophie De Winne (Faculty of Economics and Business, KU Leuven,), Yasin Rofcanin (University of Bath)