Comment transformer l’aura des stars en multiplicatrice de dons
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Une recherche met en lumière les stratégies permettant de transformer l’aura des célébrités en crédibilité à l’égard d’une cause d’intérêt général. Alors, ces leaders d’opinion permettent-ils aux associations de récolter davantage de dons ? D’influencer nos élans de générosité ? Explications en graphiques.
Les célébrités, et plus récemment les influenceurs, ne se contentent plus de divertir : ils orientent nos choix. Des marques que nous achetons, jusqu’aux positions que nous adoptons sur des enjeux éthiques, leur empreinte est partout. Ils s’imposent comme de véritables sources d’information pour les consommateurs.
Leur influence ne s’arrête pas aux décisions de consommation. Acteurs, humoristes ou streamers façonnent nos élans de générosité et les causes que nous choisissons de soutenir. De nombreuses personnalités mettent en avant leur engagement caritatif : Pierre Garnier avec Imagine for Margo, Florence Foresti avec la Fondation des femmes ou encore Omar Sy avec les Restaurants du cœur. Côté influenceurs, le ZEvent 2025 a marqué les esprits : en trois jours de marathon sur Twitch, plus de 16,2 millions d’euros ont été récoltés grâce à des figures comme ZeratoR, Kameto ou Baghera Jones.
Pour mieux comprendre ces mécanismes, nous avons mené une série d’études pour comprendre si l’aura des célébrités apportait une crédibilité envers la cause à soutenir. Concrètement, nous avons présenté à des consommateurs plusieurs personnalités, ambassadrices d’une cause, et analysé si elles avaient un impact positif sur la crédibilité des causes d’intérêt général.
Transformer l’aura en crédibilité
Notre première étude, intuitive, consiste à choisir une personnalité dont l’histoire est directement liée à la cause. Par exemple, des personnalités telles que Selena Gomez et Lady Gaga peuvent être des ambassadrices crédibles pour les causes liées à la santé mentale chez les jeunes, compte tenu des traumatismes qu’elles ont vécus dans leur jeunesse. Il en va de même pour le combat d’Emma Watson pour l’égalité homme-femme, renforcé par son expérience des traitements des jeunes femmes et adolescentes dans l’industrie cinématographique.
La seconde étude repose sur ce que les chercheurs appellent le transfert de sens. Dans ce processus, les symboles associés à une personne sont transférés à un produit, une marque ou une organisation. De cette manière, une personnalité peut apporter à la cause son aura culturelle, son univers ou ses valeurs symboliques à une cause, même sans lien direct apparent.
Quand la notoriété devient expertise
Dans une étude auprès de 200 répondants, nous avons testé l’impact de l’attractivité de la personnalité ambassadrice sur son niveau de crédibilité perçue envers la cause et le nombre de dons générés.
À cette fin, nous avons indiqué aux participants de l’étude que le tennisman Andy Muray était le nouvel ambassadeur de « Let’s Green Up ! », une ONG fictive. Dans un premier groupe, nous avons décrit le tennisman en insistant sur son attractivité et son aura. Dans un second groupe, nous avons présenté une description plus neutre du sportif. Nous avons ensuite mesuré la crédibilité perçue de la personnalité grâce à des affirmations telles que « Cet influenceur est une source d’information fiable » ou « Je peux faire confiance à cette personne ».
Les répondants avaient enfin la possibilité de faire un don à l’ONG proposée. Les résultats sont unanimes : la présence de cette aura est une condition essentielle au succès des campagnes de récolte de dons. Elle fait augmenter la chance de faire un don de 43 % à 54 %.

Un passé qui donne du poids
Au-delà de leur aura, certaines célébrités renforcent leur crédibilité en mettant en avant un lien personnel avec la cause qu’elles soutiennent. Lorsque Mika s’engage auprès d’associations venant en aide au Liban, son message gagne en force, car il souligne son attachement à ce pays d’origine.
Pour tester cette hypothèse, nous avons réalisé une seconde étude auprès de 402 répondants. Ces derniers pouvaient soutenir une cause associée à une personnalité, en faisant varier le type de cause et la personnalité. Pour ce faire, nous avons comparé l’efficacité de l’annonce quand la cause est soutenue par Léonardo DiCaprio, célébrité connue pour son aura, et Greta Thunberg, davantage connue pour son activisme. Nous avons d’abord comparé des groupes où ces personnalités soutenaient une campagne pour l’écologie, en lien avec le passé des deux célébrités, et une autre campagne soutenant l’accès à l’éducation. Nous avons ensuite mesuré la crédibilité de la personnalité ambassadrice.
Lorsque ce lien est mis en évidence, la crédibilité de la célébrité ou de l’influenceur envers la cause augmente donc davantage.

Le pouvoir du transfert symbolique
Même lorsqu’elles n’ont pas de lien direct avec une cause, les célébrités peuvent lui donner de la crédibilité en y associant leur univers symbolique. Un humoriste qui prête son image à une campagne solidaire, ou une chanteuse pop qui soutient la recherche médicale, n’est pas forcément expert du sujet. Ce transfert de sens, présenté plus haut, permet aux associations de toucher le public par ricochet, en capitalisant sur l’image culturelle de la personnalité.
Nous avons réalisé une troisième étude auprès de 400 répondants. L’idée : inviter les participants à soutenir une association pour l’écologie. Dans un groupe, la personnalité ambassadrice est Keanu Reeves et dans l’autre, Eminem. Nous avons pu établir au préalable que Eminem démontrait un capital symbolique plus important que Keanu Reeves. Dans les deux cas, nous avons fait varier l’attractivité et l’aura de la personnalité ambassadrice en la présentant dans une posture favorable ou neutre.
Les résultats montrent qu’une personnalité présentant un capital symbolique plus élevé, comme Eminem, est perçue comme étant davantage crédible, ce qui accroît leur capacité à générer un élan de générosité.

Thomas Leclercq, Professeur en marketing, IÉSEG School of Management (LEM-CNRS 9221), Head of Marketing and Sales Department, IÉSEG School of Management; Étienne Denis, Professeur de Marketing, EDHEC Business School et Steven Hoornaert, Professeur en marketing digital; IÉSEG School of Management, Univ. Lille, CNRS, UMR 9221 – LEM – Lille Economie Management, F-59000 Lille, France.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.