S’ouvrir au risque : une nouvelle approche des notations de fonds communs de placement

Dans le monde des investissements en fonds communs de placement (FCP), l'idée selon laquelle tous les investisseurs sont intrinsèquement averses au risque est remise en question par des recherches. L'étude menée par Tiantian REN (Université de Xiangtan), Kristiaan KERSTENS (IÉSEG, UMR 9221) et Saurav KUMAR (Indira Gandhi Institute of Development Research) propose une nouvelle perspective en intégrant les préférences des investisseurs "amateurs de risque" dans les notations des fonds communs de placement. L'objectif de leur travail est de contribuer au développement de nouveaux outils pour l'évaluation et la sélection des fonds, répondant à un éventail plus large de préférences des investisseurs.

Date

16/10/2025

Temps de lecture

3 min

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Le changement de perspective

Les fonds communs de placement (FCP) représentent un regroupement ou un portefeuille de fonds provenant de différents investisseurs, qui est ensuite investi dans divers titres, actions, obligations ou autres instruments financiers. Ce portefeuille est géré par des professionnels dont l’objectif est d’allouer les investissements du fonds afin de générer des gains et des revenus pour les investisseurs. Les agences qui évaluent les fonds communs jouent un rôle central dans l’industrie de l’investissement en fournissant des évaluations indépendantes des FCP. Leur mission principale est d’aider les investisseurs à prendre des décisions éclairées en offrant des analyses détaillées et des notations basées sur divers facteurs.

La théorie moderne du portefeuille, développée par le lauréat du prix Nobel Harry Markowitz en 1952, a établi que la performance d’un portefeuille devait équilibrer les rendements et le risque, en supposant que les investisseurs sont averses au risque (AR). Cependant, des preuves empiriques récentes et des développements théoriques suggèrent que certains investisseurs manifestent des préférences amatrices de risque (ARi), recherchant à la fois des rendements élevés et un risque élevé. De plus, les préférences AR et ARi peuvent également s’appliquer à des « moments supérieurs » tels que définis en statistiques, comme l’asymétrie (skewness) et le kurtosis. La nouvelle étude vise à combler cette lacune en proposant de nouvelles méthodes qui intègrent ces deux types de préférences dans les notations des FCP.

Les chercheurs ont développé un modèle mathématique capable de traiter les préférences averses au risque ou amatrices de risque au sein d’un cadre unique, ce qui en fait un outil intéressant pour tester la performance des fonds communs de placement. Pour les investisseurs AR, le modèle cherche à améliorer les rendements et l’asymétrie, tout en réduisant la variance et la kurtosis. Pour les investisseurs ARi, le modèle cherche à améliorer les rendements, l’asymétrie ainsi que la variance et la kurtosis.

Afin de tester l’efficacité des méthodes proposées, les chercheurs ont appliqué leur méthodologie sur des données historiques en utilisant une stratégie « buy & hold ». Cela concernait 750 fonds communs de placement français ayant au moins dix ans de prix historiques, couvrant la période de février 2011 à août 2021.

Leurs résultats montrent que leur méthodologie offre une performance d’investissement supérieure par rapport aux méthodologies traditionnelles basées sur la frontière efficiente et les notations.

« Cette découverte est significative car elle suggère que l’intégration des préférences amatrices de risque dans les notations peut conduire à de meilleurs résultats d’investissement, encourageant potentiellement plus d’investisseurs à adopter un comportement amateur de risque, car cela est dans leur intérêt », explique le professeur KERSTENS.

Implications pour les investisseurs et les gestionnaires de fonds

Les résultats de l’étude ont donc des implications pour les investisseurs et les gestionnaires de fonds communs de placement.

Pour les investisseurs, en particulier ceux ayant des préférences amatrices de risque, ces nouvelles méthodes de notation offrent des parcours qui leurs sont plus adaptés pour l’évaluation et la sélection des fonds communs de placement. Cela pourrait conduire à des décisions d’investissement plus éclairées et potentiellement à des rendements plus élevés.

Pour les gestionnaires de fonds, comprendre et intégrer les préférences amatrices de risque dans leurs offres de fonds et leurs stratégies marketing pourrait attirer une base d’investisseurs plus large. Les performances des fonds évalués avec des préférences amatrices de risque suggèrent qu’il existe un marché significatif pour les fonds qui répondent aux attentes de ces investisseurs.

Conclusion

En intégrant les préférences amatrices de risque (dans des méthodes non paramétriques basées sur la frontière efficiente), cette étude propose une nouvelle approche de l’évaluation des fonds communs de placement, qui s’adresse à un éventail plus large de préférences des investisseurs.

Cette étude remet non seulement en question les hypothèses conventionnelles de la théorie moderne du portefeuille, mais elle fournit également des outils pratiques pour naviguer dans les complexités de l’investissement dans les fonds communs de placement.


Pour en savoir plus, consultez leur article de recherche disponible ici :
« Risk-aversion versus risk-loving preferences in nonparametric frontier-based fund ratings: A buy-and-hold backtesting strategy » Tiantian Ren, Kristiaan Kerstens, Saurav Kumar (European Journal of Operational Research, 2024).


Catégorie(s)

Économie & Finance


Contributeurs

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Kristiaan KERSTENS

Economie

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